samedi 22 février 2014

Hasard ou inconscient photographique ?


C'est la semaine du hasard.

Dimanche 9 février, je publiais ici deux photos prises lors d'une balade en ville. L'une des deux représentait une flaque d'eau et le reflet d'un immeuble.
Je suis retombée il y a un peu sur une photo que j'ai prise devant une mosquée d'Istanbul et la similitude de composition entre les deux m'a frappée. Si le lieu, le sujet ne sont pas les mêmes, si le point commun premier est le fait d'avoir photographié le sol, les lignes de force, la répartition des masses sont les mêmes de façon troublante, comme si un modèle inconscient s'imposait à mon esprit et à mon regard : une ligne verticale à droite (le rebord du mur, l'arrête de l'immeuble), un espace horizontal en bas (les marches blanches, le bitume gris), une masse sur la gauche (des pigeons, le contour de la flaque). C'est très troublant et je ne sais pas si je dois me détacher de cette composition récurrente insoupçonnée (fais-je toujours la même chose ?) ou si, au contraire, maintenant que j'en ai conscience, elle peut devenir le motif d'une série, d'une quête réfléchies et assumées. A voir.

Quoi qu'il en soit, des trottoirs aixois aux marches turques, il n'y a qu'un regard.

mardi 18 février 2014

Hasards musicaux

Même avec l'arrivée d'internet, j'ai gardé l'habitude de choisir de nouveaux disques en faisant confiance au hasard. Dans les rayons des disquaires, je me laisse ainsi tenter par la pochette de disque : la photo, le graphisme, le nom du titre et/ou de l'album sont autant d'éléments complètement subjectifs qui font que je vais choisir ou non d'écouter voire d'acheter un CD. Les bornes de libre écoute facilitent ces choix impulsifs, mais il m'est arrivé d'acheter un album, de l'aimer et 14 ans après de continuer à l'écouter et à l'apprécier (Rabbit Songs de Hem), sans pourtant avoir eu l'opportunité d'entendre ce qu'il donnait avant l'achat. Juste parce qu'il y avait une histoire de lapins (j'ai d'ailleurs écrit un article au sujet d'albums avec des lapins pour les Fauteuses). Cette habitude, je l'ai sûrement prise quand, adolescente, je compulsais le rayon Disques de la médiathèque de ma ville : la passion pour la musique qui m'habitait alors - comme un besoin, une faim insatiable - et le manque d'argent faisaient que c'était là le seul moyen de calmer mes fringales. Ça ne coûtait rien : si le choix était mauvais, il suffisait de rapporter le disque. C'est comme ça que j'ai pu écouter tout un tas de grands albums (ceux des Cure par exemple), mais également faire des découvertes complètement inattendues comme l'album Scarlet and other stories d'All about Eve, dont la pochette poétique et mystérieuse avait parlé à ma petite âme romanesque et gothique.


Plus récemment, c'est ainsi que j'ai découvert deux autres albums avec des lapins, l'un avec un son grunge 90's (Everything is, de Nine Black Alps) et un autre qui n'apparaît pas dans mon article pour les Fauteuses car je ne me souvenais alors ni du nom ni de l'artiste. Il s'agit de Fauve avec un album au titre éponyme. Pas Fauve le groupe dont on entend parler partout (que je n'aime pas d'ailleurs)(j'ai l'impression d'écouter Norman de Norman fait des vidéos dans un projet musical)(même si lui je l'aime bien), non. Un Fauve plus ancien, alias Nicolas Julliard. Un disque aux harmonies étranges, bande originale d'un film imaginaire, inégal, pas toujours emballant mais avec quelques morceaux qui valent l'écoute. Ça, c'est pour les découvertes en médiathèque.

Pour les découvertes chez les disquaires, le plus récent, dont l'écoute attentive, répétitive et obsessionnelle n'est pas encore terminée, est l'album Until the colours run de Lanterns on the lake, un groupe anglais. Pas de lapins ici, mais des morceaux absolument saisissants, d'une grande beauté. 



Ce qui m'a séduite, car j'ai pu l'écouter avant de l'acheter, ce sont les guitares saturées du premier morceau, leur côté post-rock à la Mogwai. Un album parfait quel que soit le moment de la journée : réveiller le matin, accompagner le travail l'après-midi, traîner le week-end, réchauffer le soir qui tombe.


Mais cette habitude de hasard, je la conserve aussi sur Internet. J'ai un abonnement Deezer, et si souvent je cherche des choses précises - conseillée par un article, un ami, un lien web - il arrive parfois que je clique par curiosité sur des noms inconnus. Ainsi de Kevin Merby, dont la pochette de l'album parle à mes envies actuelles d'ermitage en campagne. 



Si les morceaux ne m'ont pas accrochée, ils m'ont conduit vers un autre album, celui de Carmen Villain, Sleeper. La photo de la chanteuse (qui n'est pas celle de l'album) m'a interpellée : sa lumière était la lumière contenue, retenue sur la pochette de Kevin Merby, celle, du moins, que j'imaginais.



L'écoute, elle, fut concluante : j'aime ce rock traînant, un peu paresseux et pas net, brouillon, maladif. La découverte est toute toute nouvelle et il faut encore j'apprivoise l'ensemble.



Car hasards musicaux ou choix délibérés, écouter un nouveau disque me fait toujours l'effet d'apprivoiser un animal sauvage. 

vendredi 14 février 2014

Jour 5 : l'acteur

A Paris, c'est comme à Lyon : je marche. Fin décembre, entre deux jours de pluie, nous avons eu la chance d'une journée ensoleillée et pas trop froide qui fut l'occasion d'une longue balade en partant de Montorgueil : Châtelet, Quartier Latin, Bastille, Marais. Avec les souvenirs des concours ("C'est là qu'on a passé nos oraux"), les traces de l'Histoire, les endroits préférés. Le jardin du Luxembourg, qui lors d'un mois de juin avait été mon cabinet de lecture pour les Mémoires d'une jeune fille rangée de Beauvoir et La Suite du Roman de Merlin, en attendant JM qui se faisait cuisiner à l'oral du CAPES, n'a fait l'objet que d'une courte halte : l'hiver l'avait privé de son charme. La statue de l'acteur grec a cependant retenu mon objectif dans son contre-jour et ses contrastes, encore, de bleu et de noir. Il est de dos, face à l'infini ouvert, récitant aux oiseaux. Et transfigure la lumière.